Les faits divers, compris comme des événements isolés, personnels, dramatiques et apolitiques, sont en vogue dans le paysage médiatique français. Cette rubrique est celle qui attire le plus l’attention des français, derrière l’actualité locale.

Jeffrey Dahmer, affaire d’Outreau, Michel Fourniret et bien d’autres. Vous avez sûrement déjà été happé par une de ces chroniques macabres. Mais avant d’être des séries Netflix, ces drames étaient restitués dans les journaux télévisés. Le fait divers est un genre journalistique à part entière. Avec leurs détails sordides et mystères irrésolus, les faits divers excitent la curiosité morbide des téléspectateurs et autorisent une narration très cinématographique. Outil d’aliénation, vecteur de propagande politique, l’utilisation de ces récits violents alimentent le débat politique depuis des décennies. Dans cet article, il s’agit d’interroger la consommation des faits divers par les français à la télévision et leur couverture médiatique par les JT.

Un intérêt partagé par tous

L'essor des chaînes d'information en continu et l'expansion d'Internet ont multiplié les canaux de diffusion, rendant les faits divers plus accessibles et omniprésents. Cette tendance a été renforcée par l'émergence d'émissions spécialisées comme "Faites entrer l'accusé" sur France 2, qui ont contribué à "anoblir" le genre.

Les données de Médiamétrie en 2021 révèlent les préférences des Français en matière d'information.

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En tête, l'actualité locale et régionale captive 38,6% des français. Les faits divers occupent une solide deuxième place, attirant l'attention d'un tiers des français (33,6%). Ils devancent ainsi d'autres thèmes majeurs tels que la santé (32,3%), l'actualité internationale (32,1%), et la culture et les loisirs (31,5%).

Charlotte Leboucher, Directrice d'études à Médiamétrie, souligne que malgré une légère baisse de l'intérêt pour la plupart des thèmes d'actualité, les faits divers ont maintenu leur niveau d'attention. Fait notable, ils intéressent uniformément toutes les tranches d'âge, témoignant de leur capacité à captiver un large public et à aborder des questions sociétales auparavant taboues.

Un reflet de la société ?

Ces récits ont souvent été interprétés comme des symptômes révélateurs de l’ensauvagement de la société. Cependant, ce syllogisme s’avère être biaisé. Une étude du Centre d’observation de la société révèle que le nombre d’homicides est plus faible aujourd’hui qu’il y a 30 ans. La part des violences quotidiennes semble également plutôt stable. Par conséquent, la focalisation médiatique sur les faits divers peut être comprise comme volonté d’orienter l’opinion publique vers certains problèmes, comme celui de l’insécurité.

Un traitement médiatique en dent de scie

Un baromètre de l'Institut national de l'audiovisuel (INA) met en lumière cette augmentation significative du traitement des faits divers dans les journaux télévisés des chaînes historiques françaises. Entre 2003 et 2012, le nombre de sujets consacrés aux faits divers a connu une hausse de 73%, passant de 1 191 à 2 062 sujets par an. Cette évolution se traduit par une moyenne de plus de cinq sujets de faits divers par jour dans les JT, soulignant l'importance croissante accordée à ce type d'information dans le paysage médiatique télévisuel français. Sa répétabilité temporelle en fait même une sorte de marronnier journalistique. En moyenne, les journaux télévisés en 2020 accordent 2 minutes par jour aux faits divers.

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Certains événements marquent particulièrement l'histoire médiatique et l'esprit des téléspectateurs par l'ampleur de leur couverture dans les journaux télévisés. L'incendie de Notre-Dame de Paris en avril 2019 a ainsi bénéficié d'une couverture exceptionnelle de plus de trois heures en moyenne sur l'ensemble des JT. D'autres faits divers ont également reçu une attention médiatique considérable, comme l'accident de l'émission "Dropped" en mars 2015 (1h36 de couverture), la tuerie de Chevaline en septembre 2012 (57 minutes), ou encore la tuerie de Nanterre (1 heure).

Ces exemples illustrent comment certains événements tragiques ou spectaculaires peuvent dominer l'actualité et captiver l'attention du public, se démarquant nettement dans le paysage médiatique par l'importance du temps d'antenne qui leur est consacré.

La course aux faits divers s’impose au petit écran

Le traitement des faits divers dans les journaux télévisés varie considérablement selon les chaînes.

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